Du père d’hier au pair d’aujourd’hui.

Comment reprendre la question du père ? Quelles conséquences pour le lien social et la clinique psychanalytique ?

« L’avènement de la psychanalyse s’est produit – et sans doute est devenu possible – au moment même où la figure paternelle se trouvait désavouée, en tout cas mise en cause et sur le déclin. » (C. Melman, L’homme sans gravité) Curieux paradoxe : c’est au moment où la figure de Dieu le père du monothéisme et, à sa suite, celle du pater familias se trouvent affaiblies que Freud invente la psychanalyse et met au centre de sa théorie le père. Le père qui, en interdisant la mère à l’enfant, lui permet de prendre sa place dans la succession des générations et de devenir lui-même père. Relisant Freud, Lacan définit la « fonction dite du Père », purement signifiante, et qu’il appelle aussi les « Noms du Père ». La journée du 2 juin 2012, à Nantes, se proposait de ponctuer, 10 ans après, les questions posées par la publication de l’ouvrage d’entretiens de C Melman avec JP Lebrun : « L’homme sans gravité, jouir à tout prix »… Si « la nouvelle économie psychique » est une expression adoptée par les uns, discutée par les autres, personne ne peut ignorer, pourtant, le « remarquable consensus au niveau des comportements, des conduites, des choix en faveur de l’adoption spontanée d’une morale nouvelle. » Les cliniciens sont donc confrontés à cet air du temps et à ces manifestations psychiques nouvelles qu’il leur faut déchiffrer. A la différence de l’ancienne économie, organisée plutôt autour de la figure du père et orientée vers le désir, cette nouvelle économie se tourne vers l’objet de satisfaction et elle est orientée par la jouissance. Dans ce contexte, comment pouvons-nous poser la question du père dans une société de la parité homme-femme, du mariage pour tous et de la PMA ? En effet, cette nouvelle économie psychique semble « nous conduire à une récusation du Trois et à un culte du Deux. L’intervention du troisième (que ça s’appelle l’État ou, dans la vie privée, le père) étant de plus en plus interprétée comme ce qui serait cause de dysfonctionnements, avec cette idée, qu’il suffirait d’éliminer ce troisième pour que le dysfonctionnement soit réglé. » Récusation de ce qui permet le trois, le Réel. Alors, pour pouvoir s’orienter, les cliniciens seraient-ils sommés de prendre vraiment en compte la proposition de Lacan : « se passer du Nom du Père, à condition de s’en servir » ? Et, pour cela, en donnant la primauté au travail de nommer, de se confronter résolument au nœud borroméen, dont les trois ronds, on le sait, sont équivalents. Cela pourrait-il contribuer à éclairer de façon nouvelle la question du père et la manière dont elle se présente dans la clinique contemporaine ?